Touche pas à mon école!

Jeudi, en conseil, beaucoup de délégués ont dit leurs craintes de voir la communauté de communes Territoire Nord Picardie récupérer la compétence scolaire. Ils redoutent de ne plus avoir la main sur leurs établissements.

Les votes les plus importants de la soirée, notamment ceux concernant la compétence scolaire ou encore le départ de plusieurs communes vers Amiens Métropole et le val de Somme, ont donné des résultats très mitigés.

Le conseil communautaire du Territoire Nord Picardie qui s’est tenu jeudi à l’espace culturel de Doullens, a connu quelques passages tendus. Deux dossiers ont particulièrement fait réagir les délégués. Notamment le vote du transfert de la compétence scolaire vers la communauté de communes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la plupart des communes qui ont encore cette compétence y sont farouchement opposées. Et elles l’ont fait savoir au moment de se prononcer pour ou contre ce transfert.

« Il faudrait arrêter d’avoir une vision clochemerlesque et avoir une vision ambitieuse ! »
Laurent Somon, président du Territoire Nord Picardie

Ce point figurait dans le vote des statuts. Ces derniers précisant que ce changement était applicable au 1er janvier prochain pour les communes qui le souhaitent (Beauquesne, Beauval et Terramesnil, Authieule). Et au 1er janvier 2019 pour toutes les autres. Un détail qui a provoqué une réaction épidermique chez bon nombre d’élus. Car cela implique que le Territoire Nord Picardie reprendra à son compte, à cette date, l’entretien des bâtiments, la gestion du personnel, l’organisation des TAP, etc. Et que toutes les écoles reviendront à la semaine de quatre jours pour harmoniser le territoire. «  Nous avons fait de très gros efforts pour bâtir, nous avons quatre classes, nous sommes dans la proximité, nous connaissons tout le monde, nous avons fait toutes les embauches… C’est notre bébé et on ne veut pas le lâcher  », a énoncé le maire de Rubempré, Jean-Marie Rousseaux, pour justifier son vote contre le transfert. Résumant parfaitement le ressenti de beaucoup de délégués. Tous manifestant leurs craintes de voir leurs organisations bien rodées être chamboulées.

Une «  position de réserve  » qui a eu le don d’agacer le président Laurent Somon : «  Partout où l’on ne s’organise pas, on perd des élèves et in fine c’est la fermeture des classes ! Groupés, on se défend mieux. Une compétence transférée, ça ne veut pas dire qu’elle est abandonnée ! Là où ça marche, il n’y a pas de raison de changer quoi que ce soit ! Il faudrait arrêter d’avoir une vision clochemerlesque et avoir une vision ambitieuse !  »

Des propos tranchés qui n’ont pas pour autant convaincu toute l’assemblée : le maire de Doullens et vice-président Christian Vlaeminck a d’ailleurs continué à prêcher pour sa paroisse. «  Nous avons une régie de transport, nos fournisseurs locaux pour le matériel scolaire, des sorties ciné, une fête de Noël, le périscolaire qui marche bien…  » a-t-il énuméré avant de voter contre. Respectant le choix de son conseil municipal, réuni deux jours plus tôt et qui s’était prononcé ainsi.

Quarante et un délégués pour, 25 contre et neuf abstentions

Il n’y a guère que le maire de Fienvillers, commune où la compétence scolaire était assurée par l’ex-Communauté de communes du Bernavillois, qui a défendu la vision du président et de Jean-Michel Magnier, maire de Beaumetz et vice-président en charge des affaires scolaires : «  Nous avons quatre classes et ça nous a permis de mutualiser avec d’autres écoles pour l’achat de matériel ou pour avoir une bonne organisation des TAP. » À l’issue de ces vifs débats, la délibération a finalement été adoptée : 41 délégués ont voté pour, 25 contre. Dont les trois vice-présidents Christian Vlaeminck, Francis Petit (maire de Grouches-Luchuel) et Catherine Penet-Caron (maire d’Humbercourt). Neuf délégués quant à eux, ont préféré s’abstenir.

ÉMILIE DA CRUZ

Un vote très mitigé sur les communes partantes

Le conseil a été marqué par un autre vote épineux : celui concernant les communes qui veulent quitter le Territoire Nord Picardie : Cardonnette, Coisy, Fréchencourt, Querrieu, Rainneville, Saint-Vast-en-Chaussée, Vaux-en-Amiénois, qui ont demandé à rejoindre Amiens Métropole (qui a délibéré favorablement sur ce point), et Pont-Noyelles, le Val de Somme. Les délégués étaient invités à voter pour donner leur avis. Un débat qui intervenait la veille de la commission interdépartementale de la coopération intercommunale (CDCI), autrement dit hier vendredi 29. Une commission censée se prononcer sur la question pour ensuite donner un avis au préfet, qui prendra la décision finale. Cette mise au vote a été le premier point de litige. Un vif débat a animé la salle sur le fait même de procéder à ce vote. D’un côté, des élus comme Marc Vignole, maire de Saint-Vast-en-Chaussée, qui estimait que non : «  Notre assemblée n’est pas obligée de se prononcer ou alors il faut que ce soit à bulletins secrets.  » De l’autre, un Laurent Somon très remonté, justifiant son choix : «  Les anciens représentants des anciennes communautés de communes siègent toujours à la CDCI (autrement dit : lui et le premier vice-président et maire de Coisy, Claude Deflesselle). Je trouvais donc normal que nous sachions ce que pense globalement la Com de com.  »

Le second point de litige concernait les conséquences de ces éventuels départs. Les « pour » arguant que «  ces communes ne représentent pas un gros poids sur la fiscalité de la nouvelle intercommunalité et ne vont donc pas la mettre en péril  ». Les autres, toujours en la personne du président, rappelant qu’«  on ne sait pas quels charge et coût, cela engendrera sur la fiscalité, les dotations, les charges d’emprunt, le personnel, etc.  ». M. Deflesselle, interpellé, a confirmé qu’il quitterait son poste de vice-président si sa commune quitte la CCTNP. «  Nous n’avons pas demandé à sortir les premiers mais Coisy se trouve englobé dans les communes sortantes et touchera donc le Territoire Nord Picardie sur seulement quelques centaines de mètres, c’est pourquoi mon conseil a délibéré ainsi. » Ce dernier, tout comme M. Somon, s’est abstenu à l’heure de voter, «  car nous sommes à la fois membres de l’exécutif et de la CDCI  », ont-ils expliqué. Au final, 24 délégués ont voté pour cette sortie, dont Christian Vlaeminck, 22 contre et 21 se sont abstenus. Autant dire que le sujet reste sensible.